Dans une maison de santé récemment accompagnée dans sa refonte de site internet, nous avons proposé de créer une fiche de présentation pour chaque professionnel.
Nom, prénom, fonction, horaires, spécialité… jusqu’ici, tout va bien.
Mais rapidement, une question a suscité inconfort et débat : Doit-on (ou non) indiquer le parcours de chaque praticien ?
Pour certains et notamment nous en tant qu’Agence de communication, c’est utile et cela rassure les patients. Pour d’autres professionnels : « Non, je ne veux pas me comparer aux autres. » « Je n’ai ni le besoin ni l’envie de me vendre. » « Et si on me juge sur mon parcours plutôt que sur ma pratique ? »
Un désaccord en apparence banal. Mais qui dit beaucoup des valeurs professionnelles, des représentations de la communication… et des inégalités invisibles qui peuvent exister dans les équipes.
1. Pourquoi cette question divise
Communiquer sur son parcours peut sembler naturel dans d’autres secteurs, mais en santé c’est différent.
Ici, la relation de soin est fondée sur :
- la confiance
- l’écoute
- la compétence professionnelle
Alors pourquoi parler de soi ? De ce qu’on a fait « avant » ? Et surtout, pourquoi le faire sur Internet, sur un site consulté par des usagers, des confrères, parfois des institutions ?
Les blocages sont compréhensibles :
- Crainte de l’exposition personnelle
- Refus de tomber dans une logique de CV public
- Peur que le parcours soit surinterprété ou jugé
- Volonté de préserver une égalité de présentation entre collègues
2. Les arguments POUR : transparence, confiance, valorisation
Certaines structures choisissent de présenter le parcours de chaque praticien. Ci-après quelques motivations :
-> Créer un lien de confiance avec les patients : Voir que le médecin a exercé en milieu hospitalier, que l’infirmier a une formation en soins palliatifs, ou que la psychologue a travaillé en CMP peut rassurer et inspirer confiance.
-> Mettre en valeur des compétences spécifiques : Dans les structures pluriprofessionnelles, les parcours sont parfois très riches, avec des spécialisations, des expériences en prévention, en recherche ou en santé publique. Les rendre visibles peut être utile.
-> Favoriser la transparence et l’identification : Les patients apprécient souvent de savoir « qui va me recevoir », surtout dans les structures où les rendez-vous se prennent par rotation. Cela humanise la fiche praticien.
-> Montrer la diversité de l’équipe : Cela permet de valoriser des profils complémentaires, et d’illustrer que les soignants n’ont pas un parcours unique et linéaire ce qui peut aussi inspirer la relève.
3. Les arguments CONTRE : exposition, biais, inégalités
À l’inverse, plusieurs arguments incitent à la prudence, voire au refus :
Risque de hiérarchisation implicite : Un parcours long, prestigieux ou international peut être valorisé… au détriment de parcours plus courts, plus atypiques ou locaux. Cela peut instaurer une forme de compétition.
Peut générer de la comparaison ou du malaise en interne : Les jeunes praticiens, ceux en reconversion ou ceux qui n’aiment pas « parler d’eux » peuvent se sentir en retrait ou forcés de se plier à une norme implicite.
Crainte d’être jugé ou stéréotypé : Certains praticiens craignent que leur parcours soit mal interprété (ex : « Ah, vous venez du privé », « Ah, vous avez été généraliste remplaçant… »). Cela peut créer des attentes biaisées ou des réticences non fondées.
Charge mentale supplémentaire : Rédiger une présentation, se décrire, choisir « les bonnes formules » cela peut être vécu comme une tâche inutile, anxiogène, voire injuste, surtout si aucune orientation collective n’est donnée.
4. Et dans la pratique : comment trancher ?
Il n’y a pas de réponse unique. Mais il y a des façons de faire mieux, collectivement.
Débattre de ce sujet au sein de l’équipe
Avant toute décision, en parler ensemble. Identifier ce que chacun est à l’aise de partager ou non, et poser des repères partagés.
Établir un cadre commun
Par exemple :
- 3 lignes maximum
- Ton neutre, descriptif
- Pas de mise en valeur de distinctions ou de publications
- Possibilité de ne pas remplir cette section (sans justification)
Accepter des niveaux d’exposition différents
Certain·es mettront “Formation en pédiatrie – Exercice libéral depuis 2018”.
D’autres ne mettront rien mais ce n’est pas grave, l’essentiel est que cela ne crée pas de tension ou de jugement.
5. Quelques exemples de formulations sobres et neutres
Exemple 1 : court et informatif
Diplômée de la faculté de Lyon – Exercice en maison de santé depuis 2017 – Intérêt particulier pour la médecine de l’enfant
Exemple 2 : collectif
L’équipe médicale est composée de praticiens aux parcours variés : médecine générale, hospitalière, soins de premier recours, santé publique…
Exemple 3 : fiche sans mention du parcours
Pas de section “parcours” – Nom, spécialité, jours de présence, coordonnées uniquement
FAQ – Les questions des professionnels de santé
Est-ce obligatoire de mentionner son parcours ?
Non. Aucune obligation légale ou déontologique.
Est-ce déontologiquement risqué ?
Non, si le ton reste informatif et non promotionnel. Il ne faut pas promettre, exagérer, ni se comparer.
Faut-il que toutes les fiches soient identiques ?
Pas forcément. Mais il est important de garantir une forme d’équité perçue. Soit en uniformisant la présentation, soit en expliquant clairement les différences (ex : “présentation optionnelle”).
Conclusion
Afficher son parcours peut être un levier d’identification ou de confiance, mais il peut aussi créer des tensions, des malaises, ou des inégalités invisibles, s’il n’est pas pensé collectivement.
Le bon choix ?
– Celui qui respecte les sensibilités
– Celui qui met en valeur l’équipe dans sa diversité
– Celui qui ne met personne en difficulté
Envie d’agir ? Voici 3 pistes concrètes :
- Organisez une discussion d’équipe autour des fiches praticiens (avec exemples à l’appui)
- Rédigez un cadre commun ou un « template » de fiche sobre
- Affichez clairement aux patients ce que contient (ou non) chaque fiche